Les 50 ans d'histoire de la e-santé

L’histoire de la e-santé est une histoire ancienne : ses prémisses remontent aux années 70 et symbolisent d'ores et déjà, le début d’un bouleversement de la médecine traditionnelle vers une médecine plus moderne, communicante et digitalisée.

Dès les années 70, la société connaît une première vague d’informatisation, accompagnée par la conception de nouveaux outils et techniques : on perçoit déjà le potentiel impact de cette « révolution numérique » sur la pratique de la médecine traditionnelle. Les premiers dispositifs, fruits d’une e-santé naissante et de la rencontre entre opportunités technologiques et enjeux sociétaux, font leur apparition : systèmes d’informations de santé et hospitaliers, robots chirurgiens, premiers projets de dossiers patients informatisés et logiciels de gestion de cabinet dans les années 80… Cette informatisation primitive de la santé donne lieu à une gestion nouvelle des structures, notamment au niveau des dossiers médicaux et de la prescription.

La démocratisation d’internet dans les années 90, accentuera le phénomène « e-santé » en prodiguant un accès immédiat à l’information de santé pour tous, à l'image d'une encyclopédie médicale inépuisable, et en facilitant la communication interpersonnelle et interprofessionnelle (réseaux sociaux, forums, premières messageries sécurisées de santé…). Cette période est également celle de l'émergence du nouveau marché industriel de la santé numérique et avec cela du dilemme, de la recherche d'équilibre, entre la liberté d'expression de l'innovation et sa régulation éthique. Cette nouvelle conjoncture a permis une restructuration profonde de la santé par l'aboutissement de projets révolutionnaires : dématérialisation des feuilles de soin, facturation électronique, carte vitale... 

Malgré cette émergence ancienne, la e-santé ne sera qu’officiellement définie en 1999, au 7ème congrès international de la télémédecine, sous ces termes : « l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance ». Puis en 2004, la Commission européenne fournira sa propre définition : « l’application des technologies de l’information et de la communication à l’ensemble des activités en rapport avec la santé. ». Ça y est, le terme d’«e-santé » entre dans le langage courant, en tant que secteur contemporain d’une société intrinsèquement bouleversée par le digital, régie par la culture de la donnée et où se co-localisent santé publique, informatique médicale et monde de l’entreprise.

Les années 2000 amorcent le début de la véritable transition, notamment avec l'irruption des pouvoirs publics et du secteur privé dans la filière e-santé. L'information comme les usages du web connaissent une augmentation exponentielle, et grâce au haut débit, l'accès à l'information devient instantané et la plupart du temps gratuit. Aussi le patient, n'est plus uniquement le récepteur de l'information puisque le dialogue virtuel s'instaure entre lui et le soignant. Mais également entre lui et les autres patients : les blogs, communautés de patients et autres outils collaboratifs se multiplient et permettent à chacun de partager son expérience, de se créer sa propre expertise et ainsi de catalyser l'intelligence collective et l'éducation thérapeutique. 

Quant à la France, elle pâtira longtemps d’un profond retard en matière d’e-santé, que ce soit le fait du manque d’embarquement collectif, du retard d’informatisation des structures de santé, de l’absence de budgets à la hauteur des enjeux ou du manque de foi en l’émergence des services de la e-santé. Mais les années 2010 marqueront un changement de paradigme pour le pays, d’abord par la systématisation des usages numériques dans le secteur de la santé (Dossier Patient Informatisé, Dossier Pharmaceutique, e-CPS, MSSanté…), puis grâce à l’avènement d’une véritable politique publique autour de la santé numérique, dont découleront de grands plans d’investissements : Innovation Santé 2030, Feuille de route du numérique en santé, Ségur du numérique en santé, Programme SUN-ES, ESMS Numérique, Stratégie d’Accélération Santé Numérique… La mutation des générations, vers des générations plus sensibles aux enjeux et outils digitaux, et solidaires des générations qui le sont moins, accompagne cette transition.

Mais c’est depuis 2020 que la e-santé connaît sa progression la plus notable. En effet, la crise sanitaire a offert une poussée d’accélération au secteur face à des enjeux nécessitant plus que jamais des solutions digitales. Ainsi, la médecine et le soin à distance se sont invités dans les usages pour répondre à la problématique de continuité des soins et marquer une évolution définitive de la pratique médicale.

Il suffit de faire l’état des lieux en 2022 des moyens mis en œuvre et des actions massives déjà réalisées ou en cours de réalisation, pour affirmer que la e-santé est prédisposée à un avenir brillant, alors porté par la croissance exponentielle de ses usages, de ses projets, de ses investissements, de ses opportunités et de ses adeptes.  Ainsi pourra-t-elle bientôt voir se concrétiser l’interconnexion parfaite, et tant espérée par les acteurs de la transition, entre santé et numérique.

Finalement, l'histoire de la e-santé ne cesse de se construire chaque jour, mais nous pouvons d'ores et déjà prospecter que les années 2030 marqueront une encore plus forte démocratisation de la e-santé et de services innovants tels que l'intelligence artificielle prédictive, la thérapie génomique, les capteurs connectés, les exosquelettes, la gamification, la réalité virtuelle ou encore la réalité augmentée... Vers une médecine à plus forte valeur ajoutée foncièrement régie par le numérique et évolutive en fonction des enjeux et des ressources qui lui sont contemporains...